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Concert de Rev Galen

Catherine Hershey (voix) & Gilles Poizat (voix, guitare, trompette)

« Le disque de Rev Galen ne dure que 22 minutes, c’est à la fois forcément trop court (on en redemande, on en redemande, on voudrait que ça dure, on voudrait que ça ne finisse jamais) et idéal. Ah ça, ces 22 mn ne pèsent pas pour rien. Ce sont pourtant 22 mn d’une légèreté absolue, 22 mn qui floconnent sur nos fronts, ces fronts qui poussés contre la vitre dessinent à la fièvre tout un monde de cristal sur le givre et la buée.

Comme son nom l’avoue volontiers, ce disque d’hallucination tranquille (mais méfions-nous) s’échafaude dans toute sa durée saugrenue autour de 8 poèmes que feu le Réverend Galen Hershey, grand-père de Catherine Hershey, qui chante ici, consignait plus ou moins dans le secret, dans ses carnets. Ce sont des poèmes simples et beaux, qui ont la simplicité et la beauté des poèmes que l’on consigne plus ou moins dans le secret, dans des carnets. Le secret des carnets est plus ou moins le plus simple et le plus beau des secrets.

Catherine Hershey, donc, qui chante ici, chante avec l’admirable justesse et le coeur un peu ivre (transi de la joie de chanter, de l’émotion de déflorer le secret des carnets, de la peur d’on ne sait trop quoi qui vient froisser quelque chose très loin, et dont l’épiderme vient traduire l’énigmatique alphabet. Quand je parle d’épiderme, c’est à notre épiderme à nous, auditeurs, que je pense, je ne sais pas si c’était clair. J’espère qu’à présent ça l’est. Je veux dire: clair. Toujours est-il que ces 8 poèmes, par la grâce du chant, de la musique de peu, de la ferveur toute vacillante de l’interprétation, sont devenus de véritables chansons. Des chansons comme on les aime et comme on n’en surprend que trop rarement. C’est à dire immédiatement reconnaissables, indécrottablement poignantes, très étranges dans leur familiarité même.

Gilles Poizat, fait trembler dans la réverb’ une guitare patiente, égrenant ses notes furtives comme un chapelet d’osselets, tire d’une trompette le genre de traits subtilement diffractées qu’on entend sur le Rock Bottom de Robert Wyatt, siffle comme on se cache pour pleurer et chante comme un bébé baleine en train de rêver (ou alors il vocifère, comme un Jad Fair coincé en haut du toboggan, ça pourrait faire marrer mais c’est déchirant). Catherine Hershey, yeux grands ouverts sur ce qui sort de sa bouche et fait de cette fumée dont les peaux-rouges fatigués font leur courrier, donne à ses mélodies le galbe des plus intrigants mollets (je pense aux mollets du Chaperon brûlant de rouge que vous savez, et que convoite le loup des contes). Ce sont des chansons tristes et pleines, un peu voilées, et dont le coeur déborde de partout, mais avec un calme d’aube sûre de sa légitimité d’aube. Comme toutes les musiques en convoquent d’autre (c’est ce qui est chouette avec la musique, c’est qu’elle sait ouvrir sa table), on pensera aux comptines d’Ivor Cutler, à la ritournelle de Pearl dans La Nuit du chasseur, aux plus douces et vénéneuses ballades de Shirley Collins, à quelques airs élisabéthains tels qu’ils furent déjà, dans une autre vie, rendus effervescents par Syd Barrett. On y pensera sans que cela ne nous gène en rien. Et puis on ne pensera plus du tout, trop occupés à soigner nos bleus, ces bleus exquis que font à l’âme les chansons dont on sait qu’on ne les oubliera jamais. »

Sing Sing (Arlt)

Thème: 
Divers
Tags: 
rev galen