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Lire nuit gravement aux idées reçues

Une étude de Nicole Van Enis

Lire nuit gravement aux idées reçues ! C’est bien là le problème ! Comment gérer des gens qui remettent en question tout ce qu’on leur dit, qui discutent et s’interrogent sur le bien-fondé des décisions qu’on prend pour leur bien, qui critiquent les moindres évidences ?

Que penser de quelqu’un – ou de quelqu’une d’ailleurs – qui lit ? Autant dire qui perd son temps à ne rien faire. Daniel Simon n’écrit-il pas : « La lecture est un acte masturbatoire, une sale affaire qu’on se refile entre dépressifs ou ratés. Une prétention sans bornes de rester assis ou couché à lire, c’est-à-dire à ne rien faire qui tienne le monde debout, alors qu’on ne sait pas déboucher un WC ou changer une roue de voiture. » C’est bien connu, les grandes lectrices sont les femmes, ce qui est un signe évident qu’il faut avoir du temps à perdre pour lire. Il fut un temps, juste après la révolution de 1789, où naquit dans l’esprit génial de Sylvain Maréchal le Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes. L’avenir lui a donné raison, les livres ont fait beaucoup de tort aux femmes à travers notamment des biographies qui ont donné le mauvais exemple, telles les deux Simone, de Beauvoir et Veil, l’une pour ses théories féministes et l’autre pour son combat pour l’avortement, ce que d’aucuns appellent « émancipation » ! Il existe pourtant un excellent livre qui montre le chemin d’une société exemplaire : La Servante écarlate de Margaret Atwood où les femmes n’ont absolument pas le droit de lire sous peine – il est vrai c’est un peu dur – de se voir amputées des doigts ou d’avoir les yeux crevés – j’hésite – et doivent se consacrer à la maternité. Au moins, voilà un message clair et émancipateur sur la place de la femme. A part les périodes de maladie, d’incapacité ou d’impossibilité à aller jouer dehors pour les enfants, d’inactivité forcée pour les adultes, le fait de s’isoler pour lire est un acte bien égoïste, une recherche de plaisir (!), une façon de s’abstraire des soucis du quotidien, de se détendre, une forme d’évasion (encore un acte bien immoral et répréhensible), « une activité conjointe de l’esprit et de la sensibilité » analysent certain·e·s pour donner une importance, un semblant de noblesse à cette activité oisive et gratuite.

Même les révolutionnaires sont d’accord : il faut « dé-livrer » le peuple !

Pourquoi alors en faire tout un poème, toute une étude ? Euh… pour éviter qu’un tel risque ne soit pris par les parents, les enseignant·e·s, les auteur·e·s, les éditeur·trice·s, les libraires, les bibliothécaires, tous les gens « bien intentionnés »… qui auraient l’idée de mettre des livres entre les mains des enfants, des adolescent·e·s, qui laisseraient traîner des livres dans le salon familial, aux toilettes (!), qui leur donneraient le goût de lire. Pour alerter ceux et celles qui ont des responsabilités politiques, les ministres de la culture qui auraient la mauvaise idée de subventionner des journaux, des bibliothèques, des clubs de lecture ou des associations à but d’éducation permanente (!), au lieu de valoriser notre culture contemporaine et promulguer nos valeurs par des moyens modernes, par une télévision avec des émissions pour le plus grand nombre, bien pensées pour satisfaire et instruire le peuple ignorant des bienfaits de la distraction après une journée de travail. Que ces responsables restent donc attentif·ve·s au bien commun et songent qu’une activité telle que la lecture, gratuite la majorité du temps, ne génère aucune publicité – avez-vous déjà vu un livre avec des pubs ? –, c’est mauvais pour notre économie, le PIB de notre pays en souffre certainement.

Certain·e·s affirment que lire est bon pour la santé grâce à l’effort, la gymnastique que le cerveau doit fournir, ce serait préventif des maladies dégénératives telles qu’Alzheimer, des troubles de l’attention et augmenterait l’espérance de vie. Mais la lecture n’est-elle pas au contraire mauvaise pour la santé ? Ne dit-on pas de celui qui dévore les livres que c’est « un gros lecteur » ? Et être gros ou grosse, on nous le répète à longueur de conseils sur l’alimentation, d’infos sur les produits pour la santé, à longueur d’article estival et autre, c’est pas bon pour la santé. On entend dire également qu’il est bon de lire pour s’endormir. à qui le dites-vous !!? Bien des lectures sont en effet soporifiques et donc dangereuses lorsqu’on doit rester bien éveillé·e et lucide pour ses activités professionnelles et domestiques.

Encore tant de choses à dire sur la nocivité de la lecture ! Par exemple que Barricade est « accouplée » (comme les wagons des trains : « Mesdames et Messieurs, veuillez patienter pendant l’accouplement des wagons ») à une librairie, projet d’économie sociale. Ceci est bien révélateur de la complicité de l’éducation permanente, des livres et des utopistes ! Mais… soyons large d’esprit et laissons la parole à des personnes qui aiment cela malgré tout et défendent les qualités émancipatrices de la lecture.
C’est en effet cette question que nous allons approfondir dans notre étude : la lecture est-elle émancipatrice ?

 

Thème: 
Divers